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Annonce d'une mutation profonde dans la fonction publique : la loi sur la rénovation du dialogue social

décembre 2010

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La loi du 5 juillet 2010 relative à la « rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique », vient d'une part, modifier en profondeur les règles encadrant l'action sociale et la négociation dans les différentes fonctions publiques ]articles 1 à 37), et d'autre part, de façon plus inattendue, traiter des règles relatives à l'entretien professionnel, à l'instauration d'une prime au mérite ou encore de l'adoption d'un Code général de la fonction publique (articles 37. et s.). Les principales dispositions de la loi n'entreront en vigueur qu'après la publication de vingt-quatre décrets d'application (prévue pour la fin de l'année 2010) et/ou des prochaines élections en octobre 2011. Mais il convient de voir, d'ores et déjà, ce qui va changer.

La première partie du texte oeuvre à offrir aux représentants syndicaux des garanties et des moyens renforcés.

Le texte entend également donner une place plus importante à la négociation sociale.

La seconde partie de la loi intitulée « dispositions diverses » en permettant notamment l'instauration de primes au mérite ou d'un grade à accès fonctionnel (GRAF) est porteuse d'un profond changement dans la fonction publique.

Une réforme du dialogue social dans la fonction publique attendue

Le dialogue social peut[1] se définir comme « l'ensemble des processus d'échanges organisés entre représentants des employeurs et des salariés ». Cette définition s'applique aussi bien au privé qu'au public même si les spécificités de la fonction publique le singularisent largement. En effet, les fonctionnaires ne sont pas des employés comme les autres (recrutement en principe par concours, déroulement de carrière, pas de contrat de travail...). Les conditions de travail des fonctionnaires sont régies au premier chef par le statut général[2] qui fixe l'étendue de leurs droits et de leurs obligations et c'est l'employeur (État, régions, départements, communes, hôpitaux) qui détermine unilatéralement les conditions d'emploi de ses agents, (pas d'accords collectifs ou d'arrangements particuliers conclus entre les agents et l'administration).  

Officialisé en 1946[3], le dialogue social dans la fonction publique s'est construit autour d'une politique de concertation menée pour l'essentiel au sein d'instances paritaires (Commission administrative paritaire - CAP -, comité technique paritaire aujourd'hui comité technique demain, cf. infra[4]...). En 2002, le « rapport Fournier »[5] le considère comme imparfait, et dénonce entre autres : son formalisme trop important, son manque de portée concrète, ou encore le caractère obsolète de certaines des règles du dialogue social dans la fonction publique.  

En réponse à cela, des pistes de réforme ont été tracées : proposition de l'abandon du paritarisme des CTP, généralisation de leur élection, etc. En 2007[6], une concertation sur la rénovation du dialogue social a débuté pour aboutir à une négociation qui s'est conclue le 2 juin 2008 par la signature par six des huit organisations syndicales représentatives (CGT, CFDT, FSU, UNSA, Solidaires, CGC) d'accords dits « accords de Bercy sur le dialogue social dans la fonction publique ».  

Plus de deux années après, la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 transpose ces accords avec deux objectifs principaux : le renforcement de la légitimité du dialogue social (généralisation de l'élection...) et l'extension de la négociation à de nouveaux thèmes.    

La rénovation du dialogue social, un texte porteur d'avancées

Vers un élargissement des champs de négociation  

Reconnaissant une pratique courante, la loi élargit statutairement le champ des négociations. Il ne sera plus limité à la question des salaires. Par exemple, les organisations syndicales pourront participer aux négociations portant sur l'évolution du pouvoir d'achat des agents, sur l'organisation du travail, l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, etc. Pour y participer, le texte limite cependant la conduite des négociations aux organisations syndicales disposant d'au moins un siège au sein des organismes consultatifs correspondant au thème et au niveau de la négociation (CAP, CT ex-CTP cf. infra...).  

Pour « une culture de la négociation » de proximité  

Dans le même esprit, le texte change les règles de validité des accords conclus. Si la fonction publique conserve ses spécificités (statut, carrière...), notamment l'absence d'impact juridique [7] d'un accord conclu sur le statut et ses règlements notamment, une fois signé, il peut dorénavant être légitime aux yeux des parties à la négociation. Pour être valide, l'accord doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié. Cette nouvelle règle de l'accord majoritaire entrera progressivement en vigueur pour constituer l'unique critère de validité en 2014.  

Modification possible du paysage syndical  

La loi fait disparaître l'ancien système de représentativité syndicale présumée inspirée du Code du travail[8] (fondé sur une présomption sur les effectifs, l'indépendance, les cotisations, l'expérience et l'ancienneté du syndicat, l'attitude patriotique pendant l'Occupation). À partir d'octobre 2011, le pluralisme sera favorisé car pour se présenter aux élections professionnelles, les organisations syndicales de fonctionnaires, dans la fonction publique où est organisée l'élection, devront légalement être constituées depuis au moins deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts et satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance. Avec cette mesure, c'est le paysage syndical qui est appelé à se modifier.  

Vers une amélioration des conditions d'exercice de l'activité syndicale  

Par ailleurs, respectant les accords de Bercy, la loi nouvelle prévoit, afin d'encourager l'engagement syndical, que les compétences acquises dans l'exercice d'un mandat syndical sont prises en compte au titre des acquis de l'expérience professionnelle. La loi fait « sauter le verrou » empêchant notamment, le recrutement, la formation ou la promotion interne d'agents qui consacrent la totalité de leur service à l'exercice d'un mandat syndical et sont placés dans la position statutaire prévue à cette fin[9]. Le préjudice de carrière lié à l'exercice d'un mandat syndical devra donc appartenir au passé.  

Vers un renouveau des instances du dialogue social et de leur fonctionnement

Côté fonctionnement des instances, la loi se donnant pour ambition de « favoriser la légitimité des organisations syndicales en renforçant la logique démocratique de l'élection »[10] prévoit, entres autres mesures, comme pour les comités techniques (CT) de la fonction publique territoriale (ex-CTP) et les CT d'établissement de la fonction publique hospitalière, que ceux de l'État seront désormais élus directement par les agents qu'ils représentent. Dans cette même logique, les conseils supérieurs de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière[11] seront composés à partir des résultats obtenus aux élections aux CT, et non plus aux CAP. Cette évolution de la composition du corps électoral permettra ainsi de garantir une meilleure représentation des personnels au sein de ces instances puisqu'en effet, les non-titulaires (ex. contractuels) seront comme les fonctionnaires représentés.  

Autre mesure phare de la loi : la loi supprime l'exigence de paritarisme numérique (qui existait depuis 1946), au sein des comités techniques, entre représentants de l'administration et représentants du personnel ; ces derniers étant, alors, seuls habilités à rendre un avis. Ce système était en effet, souvent critiqué et dénoncé comme conduisant à un « dialogue de façade », au formalisme excessif. Les CTP de l'État et de la territoriale perdent donc leur « P » et deviennent des comités techniques (CT) conçus dans le même esprit que dans la FP hospitalière. À noter toutefois, que dans la territoriale, le paritarisme n'est que facultatif et devra faire l'objet d'une délibération de la collectivité mais il est maintenu à tous les niveaux, du conseil supérieur aux comités techniques, en passant par les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).  

Par ailleurs, si aujourd'hui la durée des mandats des instances varie selon la fonction publique[12], les cycles électoraux seront d'ici à 2014 harmonisés dans les trois versants de la fonction publique.  

Ensuite, autre nouveauté côté instances : est créé le Conseil commun de la fonction publique. Présidé par le ministre chargé de la fonction publique, il comprend des représentants des administrations et des employeurs des différentes fonctions publiques, et des représentants des organisations syndicales. Il sera consulté pour les questions communes aux trois FP, les textes propres à chaque fonction publique continuant d'être examinés par chaque conseil supérieur dédié.  

Enfin, la loi s'inspirant de ce qui existait déjà pour la FPH, étend les compétences des comités d'hygiène et de sécurité (CHS) aux conditions de travail (CHSCT). De plus, ces instances qui ont pour missions de contribuer à la protection de la santé (physique et mentale) et de la sécurité des agents, à l'amélioration des conditions de travail et de veiller au respect des dispositions légales en la matière seront créées dans la territoriale « lorsque l'effectif global concerné est au moins égal à 50 agents ». Dans les autres collectivités, ce sont les CT qui exerceront les missions des CHSCT.   La loi nouvelle vient donc indéniablement limiter le formalisme des instances sans le supprimer totalement, définir de nouveaux périmètres au dialogue social et ouvrir timidement la voie à une reconnaissance de la valeur juridique des accords collectifs, illustrant ainsi l'influence grandissante du droit du travail sur celui de la fonction publique et l'importante mutation en cours de la FP, comme l'atteste d'ailleurs la seconde partie.  

Autres mesures relatives à la fonction publique... annonces d'une (r)évolution dans la fonction publique ?

Bien que plus inaperçue sur un plan médiatique, cette partie titrée « dispositions diverses relatives à la fonction publique » (articles 37 à 46) n'en est pas moins importante car elle traite des questions :

  • de la durée maximum du temps partiel de droit pour créer ou reprendre une entreprise, augmentant celle-ci de deux à trois ans ;
  • de la retraite des infirmiers et personnels paramédicaux, qui relevant jusque-là de la catégorie B[13], passent en catégorie A, bénéficiant ainsi de la revalorisation salariale assortie, mais aussi d'un départ à la retraite repoussé de 55 à 60 ans (un droit d'option des personnels en poste est prévu) ;
  • du suivi médical post-professionnel des agents territoriaux en cas d'exposition à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques (CMR), cette nouvelle obligation dans la FPT est à la charge de l'employeur du dernier poste occupé ;
  • de la création du Code général de la fonction publique, en prévoyant que le gouvernement est autorisé à procéder, par voie d'ordonnance, à l'adoption de la partie législative dudit code.  

Mais surtout la loi illustre par deux autres mesures, un changement profond qui s'annonce dans la FP.  

Grade à accès fonctionnel en catégorie A, instauration d'une prime « dorée » de départ ?  

Jusqu'à maintenant, quand un fonctionnaire accédait à un poste à responsabilité, sa rémunération augmentait mais pas forcément son grade. Aussi, lorsqu'un fonctionnaire quittait ces responsabilités, il devait revenir à sa grille salariale de son corps d'origine et subissait parfois une perte de rémunération. En effet, l'avancement de grade conduisant à l'augmentation de rémunération s'effectue exclusivement en relation avec la valeur professionnelle, les acquis de l'expérience de l'agent, la sélection par examen ou concours, une durée de formation minimale.  

Avec le nouveau texte, le changement de grade peut être lié à l'occupation de certains emplois ou à l'exercice de fonctions particulières avec un certain niveau de responsabilités (un décret devra les définir). Le grade à accès fonctionnel (GRAF) permettra ainsi au fonctionnaire ayant exercé ces responsabilités de conserver jusqu'à la fin de sa carrière une rémunération plus élevée. Polémique, la plupart des syndicats assimilent déjà ce GRAF aux « parachutes dorés »[14] que l'on peut trouver dans le privé.  

Consécration de la rémunération à la performance

S'inspirant des méthodes du privé, la loi généralise aux trois fonctions publiques d'une part, la possibilité d'instituer un intéressement collectif, c'est-à-dire une prime tenant compte de la performance collective des services.  

D'autre part, le texte institue la prime de fonctions et de résultats (PFR). La PFR est constituée de deux parts :

  • une part liée à la fonction et donc aux responsabilités de l'agent ;
  • une part individuelle, liée à l'appréciation chaque année des résultats de l'agent.  

Ces deux parts sont cumulables et évoluent indépendamment l'une de l'autre, à l'intérieur de plafonds et en fonction de critères déterminés par l'organe délibérant (ex. : conseil régional, général, municipal...).  

Avec ces changements, le législateur repose indirectement la question de la réforme du rôle de l'encadrement dans la fonction publique. D'ailleurs, ce n'est sûrement pas un hasard si le mode d'évaluation des agents expérimental qu'est l'entretien professionnel[15] est reconduit par le législateur pour 2010, 2011 et 2012. Les administrations et les établissements hospitaliers, sont à nouveau appelés à se fonder non sur la notation (comme le prévoit le statut[16]), mais sur cet outil issu du management privé pour apprécier la valeur professionnelle des agents.  

La loi du 5 juillet 2010 constitue donc une petite révolution dans la fonction publique. Même si les changements se font par « petites touches » pour laisser notamment, le temps à chacun de « s'habituer »[17], il n'en demeure pas moins certain que, dans un plus ou moins proche avenir, les gestionnaires des ressources humaines en charge des négociations sociales seront confrontés à de nouveaux enjeux, à une nouvelle relation sociale mais devront également parfaire leurs connaissances en droit privé du travail.    

Pour aller plus loin : Livre blanc sur le dialogue social dans la fonction publique, mars 2002, J. Fournier et M-A du Mesnil du Buisson. Accords de Bercy du 2 juin 2008. Accords du 20 novembre 2009 sur la santé et la sécurité au travail. Loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la « rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique », JO du 6 juillet 2010.    

Sandrine BOTTEAU  

[1] Selon l'Organisation internationale du travail (OIT).

[2] Celui-ci regroupe l'ensemble des règles juridiques applicables aux fonctionnaires, soit :

  • la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
  • la loi du 11 janvier 1984 pour les fonctionnaires de l'Etat ;
  • la loi du 26 janvier 1984 pour les fonctionnaires territoriaux ;
  • la loi du 9 janvier 1986 pour les fonctionnaires des hôpitaux, ainsi que leurs textes d'application.

[3] Dans le statut des fonctionnaires du 19 octobre 1946.

[4] Commission administrative paritaire : étudie toutes les questions d'ordre individuel concernant les agents : avancement de grade, avancement d'échelon, refus de titularisation... Comité technique ex-comité technique paritaire : étudie toutes les questions relatives à l'organisation des administrations, l'hygiène et la sécurité...

[5] Cf. Livre blanc sur le dialogue social dans la fonction publique, mars 2002, J. Fournier et M-A du Mesnil du Buisson.

[6] 15 octobre 2007 : ouverture de la conférence sur le dialogue social.

[7] Voir en ce sens, La rénovation du dialogue social dans la fonction publique, D. Jean-Pierre, la Semaine juridique - Adm. et coll. territoriales, n° 38, 20 septembre 2010.

[8] Cf. ancien article 9 de la loi du 13 juillet 1983 reprenant les critères de l'article L.2121-2 du Code du travail.

[9] La rénovation du dialogue social dans la fonction publique, D. Jean-Pierre, la Semaine juridique - Adm. et coll. territoriales, n° 38, 20 septembre 2010.

[10] www.fonction-publique.gouv.fr

[11] Instances consultées sur tout projet de texte relatif à la FPT ou la FPH et organes supérieurs en matière disciplinaire, d'avancement et de licenciement.

[12] Trois ans pour la FPE et dates différentes selon les ministères, six pour la FPT, et quatre pour la FPH.

[13] La fonction publique contient trois catégories d'emploi : A, B et C. La catégorie A regroupe les emplois supérieurs (niveau Bac + 3 mini), B les emplois intermédiaires (niveau Bac) et C les emplois d'exécution.

[14] Indemnités de départ, fixées contractuellement, versées aux dirigeants d'entreprise en plus des indemnités légales y compris en cas de déroute financière.

[15] Moment où via les chefs de service, il est fait un point sur les conditions d'exercice de l'activité actuelle, une évaluation personnelle de la valeur des prestations rendues, une définition des conditions de formation, d'accompagnement ou d'approfondissement des connaissances et où est envisagée l'éventualité d'une évolution professionnelle à court ou moyen terme.

[16] Article 17 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires

[17] La loi relative à a rénovation du dialogue social dans la fonction publique première étape d'une réforme profonde F MELLERAY AJDA 1er novembre 2010 p.2045

Pour aller plus loin :
Livre blanc sur le dialogue social dans la fonction publique, mars 2002, J. Fournier et M-A du Mesnil du Buisson. Accords de Bercy du 2 juin 2008.
Accords du 20 novembre 2009 sur la santé et la sécurité au travail.
Loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la « rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique », JO du 6 juillet 2010.

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