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Exercer une activité en dehors de ses heures de service ou créer son entreprise quand on est fonctionnaire, c'est possible ? !

avril 2012

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Afin de préserver le fonctionnement normal du service public, tout agent public (fonctionnaire, agent non titulaire[1] et ouvrier des établissements industriels de l'État [2] ), doit se consacrer entièrement à sa mission de service public. Toutefois, pour répondre aux envies des agents de cumuler plusieurs emplois, notamment sous le statut d'auto-entrepreneur et qui sont de plus en plus nombreuses et variées, ce principe a été assoupli tout d'abord en 2007[3] , puis par le décret du 20 janvier 2011[4] qui a élargi la notion « d'activité accessoire ». Résultat : si le droit commun est maintenu (autorisation préalable, sanctions en cas de cumul irrégulier), le nombre d'agents tentés par le cumul activités public/privé ne cesse de croître (1 % du nombre total de fonctionnaires sur la période 2007-2010, via la création d'entreprise[5] ).

 

Agents publics le jour, commerçants, consultants le soir, le week-end ou pendant les vacances, le nombre de fonctionnaires créant, en parallèle de leur poste, une entreprise privée pour augmenter leurs revenus a bondi de 60 % en 2010.

Principales raisons de ce boom : la possibilité d'obtenir un temps partiel et le statut d'auto-entrepreneur.

Même si le régime de cumul d'activités public/privé s'est assoupli, l'exercice d'une activité accessoire sans autorisation constitue toujours une faute disciplinaire.

Une réglementation du cumul d'activités répondant aux évolutions économiques et sociales

À la différence des salariés du privé, qui peuvent librement exercer une activité lucrative annexe, à la condition de demeurer loyaux envers leur employeur et de respecter la législation relative à la durée maximale de travail, les agents publics sont soumis à un principe général d'interdiction du cumul d'activités, publiques ou privées : ils doivent consacrer l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées (cf. Statut général de la fonction publique : article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires).  

À l'origine (cf. décret-loi du 29 octobre 1936 réglementant les cumuls dans la fonction publique aujourd'hui abrogé), le gouvernement avait pour objectifs d'empêcher les fonctionnaires de faire concurrence, sur leur terrain, aux demandeurs d'emploi nombreux en ce temps-là et en imposant cette obligation de servir et celle d'exclusivité, d'oeuvrer en faveur du bon fonctionnement et de la neutralité des services publics.  

Sont ainsi interdites, depuis cette époque, même si l'agent est bénévole, les activités suivantes : 

• la participation aux organes de direction de sociétés ou d'associations non reconnues d'utilité générale;
• le fait de donner des consultations, de procéder à des expertises et de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, sauf si cette prestation s'exerce au profit de cette dernière;
• la prise d'intérêts (directement ou par personnes interposées), dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle l'agent public appartient (ou en relation avec cette dernière), de nature à compromettre son indépendance.  

Toutefois, afin de valoriser l'expertise interne à l'administration et développer les compétences des agents, ce principe est atténué par des dérogations. Avant 2007, la série de dérogations avait fini par aboutir à un régime du cumul d'activités complexe, largement critiqué. La loi de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 et son décret d'application[6] modifié en 2011[7] sont donc venus le simplifier afin, d'une part, de faciliter (encore plus) les cumuls, d'autre part, de prendre en compte les évolutions sociales et économiques, comme le régime de l'auto-entrepreneur entré en vigueur le 1er janvier 2009.   

Cumuler public/privé quand on est agent à temps partiel ou non complet : c'est permis aussi...

Avant 2007, des restrictions de cumuls étaient prévues pour les agents à temps partiel. Désormais, afin de lutter contre la précarité subie par certains d'entre eux et sans pour autant porter atteinte aux principes de la fonction publique, ceux-ci bénéficient du même régime de cumul que les agents à temps plein.  

En revanche, les agents à temps non complet continuent à bénéficier d'un dispositif de cumul plus contraignant mais assoupli. Les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public et de droit privé, qui occupent un emploi à temps non complet ou qui accomplissent un service à temps incomplet pour une durée inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire de travail, peuvent exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative dès lors que cette activité est « compatible avec leurs obligations de service et ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance et à la neutralité du service public » (art.15 du décret du 2 mai 2007 modifié). Ces agents n'ont pas à demander d'autorisation (cf. infra) mais ils doivent en informer au préalable et par écrit la ou les autorités dont ils relèvent. Ces dernières peuvent à tout moment s'opposer au cumul. Par ailleurs, jusqu'en 2011, il n'était pas possible pour un agent à temps non complet ou incomplet employé par plusieurs structures publiques de travailler plus de 100 % d'un plein temps (115 % dans la fonction publique territoriale[8]). Ce plafond de 100 % est désormais supprimé (à noter : le décret ne supprime pas le plafond de 115 % pour les territoriaux).   

Le cadre de cumul d'activités autorisé : article 25 de la loi du 13 juillet 1983

Les activités dispensées d'autorisation... pour valoriser les compétences des agents

Tout d'abord, sous réserve des interdictions concernant des activités privées visées à l'article 25 I alinéas 1, 2 et 3 de la loi du 13 juillet 1983, les agents publics peuvent librement détenir des parts sociales et percevoir les bénéfices attachés, gérer leur patrimoine (personnel ou familial) et/ou exercer une activité bénévole quand celle-ci se fait au profit de personnes publiques ou privées sans but lucratif. Ils peuvent aussi produire des « oeuvres de l'esprit » (oeuvres littéraires, graphiques, photographiques, compositions musicales) sous réserve de respecter les règles relatives aux droits d'auteur des agents publics et les obligations de secret et de discrétion professionnels. De même, les enseignants, les personnels techniques ou scientifiques des établissements d'enseignement et les personnes exerçant des activités artistiques peuvent pratiquer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions. Enfin, de façon plus anecdotique, les agents publics peuvent exercer les fonctions d'agent recenseur[9] ou encore bénéficier d'un contrat « vendange »[10].

Des activités accessoires autorisées en dehors des heures de service... pour gagner plus

Ensuite, avec l'autorisation de son administration, mais sans qu'il soit besoin de saisir la commission de déontologie (cf. infra), un agent public peut exercer à titre « accessoire », une ou plusieurs activités, lucratives ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé. Concrètement, l'agent doit adresser sa demande, par écrit, à l'autorité dont il relève. Celle-ci doit en accuser réception et prendre, dès lors qu'elle dispose des éléments suffisants, une décision dans un délai d'un mois en général. À défaut, l'intéressé est réputé autorisé à exercer l'activité accessoire.  

Pour être qualifiée d'accessoire, l'activité exercée par l'agent public en plus de ses missions de service public ne doit pas être prépondérante (l'activité publique doit rester l'activité principale). Celle-ci doit être bien distincte de la fonction principale de l'agent. Ainsi, a été déclarée incompatible l'activité, sous le statut d'auto-entrepreneur, de conseil aux particuliers en gestion de patrimoine avec les fonctions d'agent administratif principal du Trésor.  

L'activité accessoire ne peut être autorisée qu'en dehors des heures de service de l'agent[11]. Elle ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Dans le cas contraire, l'autorité dont relève l'agent peut revenir sur son autorisation et exiger la cessation de l'activité accessoire.  

La liste des activités autorisées est fixée par le décret de 2007 modifié. Il s'agit par exemple des activités d'expertises ou de consultations auprès d'une entreprise ou d'un organisme privé, d'enseignements ou de formations, les activités agricoles (sous certaines conditions[12]), l'aide à domicile, les activités à caractère sportif ou culturel y compris l'encadrement, l'animation dans les domaines sportif, culturel ou de l'éducation populaire, les activités de service à la personne, les ventes de biens fabriqués personnellement par l'agent.  

Toutefois, pour répondre à une demande de clarification des employeurs et des fonctionnaires, le décret de 2011 a introduit une distinction entre ces activités : pour exercer certaines de ces activités (expertises ou consultations, enseignements ou formations, activité à caractère sportif ou culturel, y compris encadrement et animation, travaux de « faible importance » (jardinage, bricolage...) réalisés chez des particuliers) l'agent a le choix entre le régime d'auto-entrepreneur et tout autre régime d'activité (vacation, contrat de travail...), pour d'autres, en revanche (services à la personne, vente de biens fabriqués personnellement), elles ne peuvent être exercées que sous le régime de l'auto-entrepreneur[13]... et donc l'agent doit créer une entreprise !

Reprendre ou créer une entreprise : passage par la commission de déontologie obligatoire

En effet, les agents publics peuvent créer ou reprendre une entreprise tout en restant dans leur administration, ou bien poursuivre une activité dans une entreprise lorsqu'ils deviennent agents publics. En 2007, étaient concernées les activités industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles. Le texte de 2011 a élargi cette dérogation à la reprise ou à la création d'une entreprise libérale. Les agents peuvent bénéficier d'un temps partiel de droit. À chaque fois, l'avis de la commission de déontologie[14] est nécessaire.  

Pour cela, la commission, instance composée entre autres, de magistrats de la Cour des comptes, de l'ordre judiciaire, de DRH... doit être saisie par l'autorité employeur ou le futur employeur dans les quinze jours suivant la réception de la déclaration écrite de l'agent intéressé. La commission de déontologie va contrôler la compatibilité du projet au regard des dispositions de l'article 432-12 du Code pénal (relatif à la prise illégale d'intérêt) et si le cumul d'activité envisagé porte atteinte à la « dignité des fonctions publiques exercées par l'agent » ou s'il « risque de compromettre, de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service dans lequel il est employé ». Ensuite :
- soit la commission estime disposer d'éléments suffisants et elle rend son avis dans un délai d'un mois « à compter de l'enregistrement du dossier de saisine par son secrétariat », ce délai pouvant être prorogé par la commission une fois pour une durée d'un mois ;
- soit elle juge ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de donner son avis. Elle doit alors inviter l'intéressé à compléter sa déclaration dans un délai maximum de quinze jours. La commission dispose alors d'un délai de deux mois pour rendre son avis.
Toutefois, toujours pour faciliter les cumuls, les textes permettent à la commission de déontologie de rendre des avis tacites (l'absence de réponse vaut avis favorable).  

Selon le rapport de la commission de déontologie rendu en décembre dernier, arrivent en tête des secteurs privilégiés par les agents de l'État, les activités de commerce (sur internet, la vente d'objets), de restauration, de soins corporels et de bien-être, tandis que les agents territoriaux se tournent plus vers le bâtiment et les travaux publics. Moyen pour les uns de trouver une reconnaissance en dehors de l'activité principale, pour d'autres (notamment les agents d'exécution, catégorie C[15]), l'occasion d'obtenir un complément de rémunération en dehors de la fonction publique sans perdre le bénéfice du statut.  

Attentions aux sanctions en cas de non-respect des règles relatives aux cumuls

Même si le cumul d'activités a le vent en poupe, en cas de non-respect des règles relatives aux cumuls (autorisation préalable non sollicitée, cumul exercé malgré la décision de refus de l'employeur, etc.), l'agent s'expose à une sanction. Son niveau de sévérité sera apprécié par l'autorité disciplinaire en fonction du degré de gravité du manquement à l'obligation de non-cumul. La jurisprudence a déjà eu l'occasion de juger légal le licenciement pour faute grave d'un agent non titulaire qui exerçait les fonctions d'éboueur tout en gérant un débit de boissons, et dont l'absence irrégulière de son domicile lors d'un congé de maladie a été constatée à deux reprises[16]. De même avait été jugée légale l'exclusion temporaire de fonctions de six mois prononcée à l'encontre d'un surveillant de prison qui assurait en même temps la gestion du salon de coiffure de son épouse[17].  

Par ailleurs, l'employeur public pourra procéder à une retenue sur le traitement de l'agent, correspondant au montant de la rémunération des activités accessoires. Enfin, l'agent non respectueux des règles de cumul s'expose aux sanctions prévues par l'article 432-12 du Code pénal qui réprime la prise illégale d'intérêt.  

Les sanctions et les cas d'avis d'incompatibilité sont toutefois rares : 1,5 % des avis pour la fonction publique d'État en 2010. La Commission de déontologie donne son accord dans 80 % des cas. De quoi donner l'envie d'aller au bout à tous ceux qui rêvent devant leur ordinateur de créer « leur petite entreprise », d'entraîner des footballeurs ou tout simplement, en ces temps de crise économique (chômage du conjoint, baisse du pouvoir d'achat), de boucler leurs fins de mois !     

Pour en savoir plus

Références :

- Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
- Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.
- Loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ;
- Décret n° 2007-611 du 27 avril 2007 relatif à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et à la commission de déontologie ;
- Décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’État.
- Circulaire n° 2157 du 11 mars 2008 relative au cumul d’activités et portant application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du décret n° 2007-658 susvisé.
- Décret n° 2011-82 du 20 janvier 2011 modifiant le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’État

Auto-entrepreneur (source Insee) : Le régime de l'« auto-entrepreneur » s'applique depuis le 1er janvier 2009 aux personnes physiques qui créent ou possèdent déjà une entreprise individuelle pour exercer une activité commerciale, artisanale ou libérale (hormis certaines activités exclues), à titre principal ou complémentaire, et dont l'entreprise individuelle remplit les conditions du régime fiscal de la micro-entreprise (chiffre d’affaires annuel n'excédant pas pour 2011 : 81 500 euros pour les entreprises de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou la fourniture du logement ; 32 600 euros pour les entreprises : prestations de services relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC) ). Il offre des formalités de création d'entreprises allégées ainsi qu'un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu (…).

Pour en savoir plus

Références :

- Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
- Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.
- Loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ;
- Décret n° 2007-611 du 27 avril 2007 relatif à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et à la commission de déontologie ;
- Décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’État.
- Circulaire n° 2157 du 11 mars 2008 relative au cumul d’activités et portant application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du décret n° 2007-658 susvisé.
- Décret n° 2011-82 du 20 janvier 2011 modifiant le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’État

Auto-entrepreneur (source Insee) : Le régime de l'« auto-entrepreneur » s'applique depuis le 1er janvier 2009 aux personnes physiques qui créent ou possèdent déjà une entreprise individuelle pour exercer une activité commerciale, artisanale ou libérale (hormis certaines activités exclues), à titre principal ou complémentaire, et dont l'entreprise individuelle remplit les conditions du régime fiscal de la micro-entreprise (chiffre d’affaires annuel n'excédant pas pour 2011 : 81 500 euros pour les entreprises de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou la fourniture du logement ; 32 600 euros pour les entreprises : prestations de services relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC) ). Il offre des formalités de création d'entreprises allégées ainsi qu'un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu (…).

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