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Les principes budgétaires (V) : la sincérité

avril 2012

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Les grands principes budgétaires ont émergé en France à partir du 19e siècle. Ils permettent un renforcement des contrôles parlementaires sur l'activité budgétaire du gouvernement. Traditionnellement au nombre de quatre (annualité, unité, universalité et spécialité), la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) adoptée en 2001 en a adjoint un cinquième : la sincérité. Ces fiches sont l'occasion de revenir sur chacun de ces grands principes qui structurent le droit des finances publiques. Elles doivent être lues dans la perspective de la reconnaissance d'un éventuel sixième principe : l'équilibre budgétaire (cf. fiche sur la « Règle d'or »). Le principe de sincérité est le plus récent des grands principes budgétaires. Son émergence n'est pas liée à « l'âge d'or » des finances publiques, mais plutôt à ses grandes crises contemporaines. Pour en saisir la portée, il faut présenter successivement le contexte de sa reconnaissance (I), puis sa portée (II).    

Le contexte de la reconnaissance d'un principe de sincérité

C'est au Conseil constitutionnel que revient la paternité du principe de sincérité. Bien qu'il n'ait jamais prononcé une déclaration de non-conformité pour non-respect du principe de sincérité du budget, le Conseil a accepté, depuis le début des années quatre-vingt-dix, de répondre au grief d'insincérité des lois de finances dont il est saisi. La sincérité était souvent invoquée à l'appui des principes budgétaires classiques. Cependant, en fondant expressément ses décisions sur la notion de sincérité, le Conseil constitutionnel en a fait un principe indépendant qui ne peut plus être considéré comme une simple extension des grands principes budgétaires.  

Le principe permet au Conseil constitutionnel d'examiner la validité des prévisions de recettes (CC, 21 juin 1993, loi de finances rectificatives pour 1993), de contrôler les évaluations chiffrées des projets de lois de finances (CC, 29 décembre 1994, loi de finances pour 1995), de vérifier que les lois de finances ne font pas l'objet d'artifices comptables et de s'assurer de la lisibilité des opérations financières de l'État (CC, 30 novembre 1997, loi de finances pour 1998).  

Le Conseil constitutionnel a estimé que le principe doit s'apprécier compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. La sincérité se caractérise dès lors par une absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances (CC, 25 juillet 2001, loi organique relative aux lois de finances).  

Le principe de sincérité a été doublement consacré par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2011. D'une part, la sincérité du budget : l'article 32 de la LOLF dispose que les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. D'autre part, la sincérité des comptes : l'article 27 (alinéa 3) prévoit que les comptes de l'État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière.  

La portée du principe de sincérité

Le principe de sincérité est double : elle est matérielle et formelle.  

La sincérité matérielle  

Dans la décision LOLF du 25 juillet 2001, le Conseil constitutionnel a défini la sincérité des lois de finances initiales et des lois de finances rectificatives comme imposant « l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances ». La sincérité interdit au gouvernement de présenter des prévisions de recettes volontairement surévaluées et des prévisions de dépenses sciemment sous-évaluées. L'insincérité des prévisions peut paraître en effet avantageuse pour le gouvernement qui profite alors d'un effet d'affichage.  

S'appuyant sur ce principe, le Conseil constitutionnel refuse d'apprécier la sincérité des lois de finances à la date de leur dépôt devant l'une des chambres du Parlement, car « l'impératif de sincérité [...] s'attache à l'examen des lois de finances pendant toute la durée de celui-ci ». Dès lors qu'il se trouve en présence de circonstances de fait ou de droit de nature à remettre en cause les grandes lignes de l'équilibre budgétaire, le gouvernement doit en informer le Parlement et corriger les prévisions initialement établies en faisant adopter une loi de finances rectificative.  

La sincérité formelle  

Le principe de sincérité a deux principales conséquences formelles.  

En premier lieu, il implique une présentation exhaustive des opérations budgétaires dans la loi de finances. Le but est d'empêcher certaines débudgétisations irrégulières qui altéreraient l'équilibre budgétaire. La sincérité formelle ne saurait interdire totalement ces pratiques. Il est des débudgétisations régulières alors même qu'elles pourraient être dénoncées comme un camouflage des déficits ou qu'elles présentent des inconvénients pour le contrôle parlementaire. À l'inverse, la débudgétisation de charges permanentes de l'État ne saurait être admise.      

En second lieu, le principe de sincérité exige que le gouvernement accompagne les projets de lois de finances des documents prévus par la loi organique, sans les déposer tardivement. Selon le Conseil constitutionnel, ces documents sont indispensables, car ils permettent « aux parlementaires de discuter et de voter la loi de finances en disposant des informations nécessaires à l'exercice du pouvoir législatif ». Plus particulièrement, le Conseil cherche à savoir si le gouvernement a eu l'intention de ne pas communiquer ces documents. Le refus de les communiquer ou le retard sciemment orchestré dans la communication pourraient être perçus comme un refus de collaborer de nature à méconnaître le principe de la sincérité. Dans cette hypothèse en effet, les parlementaires n'auraient pas été totalement éclairés pour se prononcer convenablement sur le texte.  

Sébastien Bramak  

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