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Rémunération des fonctionnaires : pourquoi et comment la revaloriser ?

mai 2016

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Selon l'INSEE, un fonctionnaire d’État[1] gagnait, en moyenne, 2 469 euros net par mois en 2013[2]. Si la masse salariale publique a progressé de 2,4 % par an au cours des 10 dernières années, soit un chiffre « comparable à celui du secteur privé », le traitement des agents est en baisse, leur pouvoir d'achat stagne, et le sentiment de déclassement s'intensifie. Mais que comprend exactement le salaire des fonctionnaires, et, comment le gouvernement entend le revaloriser pour maintenir l'attractivité des emplois publics, sans toucher au fameux « point d'indice » ? 

Rémunération des fonctionnaires : traitement, indices et modes de calcul

Traiter du « traitement » (équivalent du salaire mensuel dans le privé) des 5,6 millions d'agents publics est un sujet vaste et complexe, où les clichés et les préjugés sont forts. Elle constitue un élément majeur de la dépense publique (278 milliards d'euros en 2014 soit 25 % de la dépense publique et 13 % de la richesse nationale[3]). Certains dénoncent les avantages salariaux dont bénéficieraient les fonctionnaires par rapport au privé ; d’autres, au contraire, s’indignent de la baisse du pouvoir d’achat dont ils seraient « victimes »[4], qu'ils soient de l’État, territoriaux ou hospitaliers. La rémunération ne relève pas, ici, d’une logique de négociation collective comme dans le secteur privé. Condition de la qualité du recrutement et de la motivation des agents, quand elle est décente, elle permet d'attendre davantage d’honnêteté, et évite au fonctionnaire d’être tenté par la prise illégale d’intérêt, la corruption… C'est donc à l’administration d’en réguler l’évolution au regard de préoccupations d’intérêt général. Elle est définie par le Statut[5] (article 20 de la loi du 13 juillet 1983), comme suit : « les fonctionnaires ont droit après service fait à une rémunération, comprenant le traitement[6], l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire ». Pour autant, la rémunération touchant la gestion des ressources humaines justifie d’en faire un élément important du dialogue social. L’article 8 de la loi de 13 juillet 1983 spécifie donc que : « les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour conduire au niveau national avec le gouvernement des négociations préalables à l’évolution de la détermination des rémunérations… ».

En application de l'article 20 précité, le traitement indiciaire constitue le socle du salaire de base des agents publics. Son montant est déterminé par l'appartenance de l'agent à un corps[7] ou cadre d'emplois, en fonction de son grade et de l'échelon auquel il est parvenu ou de l'emploi auquel il a été nommé. A cet échelon est associé un indice brut (indice classement) qui définit de manière précise la position de l'agent sur l'échelle indiciaire commune à tous les fonctionnaires. A chaque indice brut correspond un indice majoré (indice traitement) permettant le calcul de la rémunération. Le traitement annuel brut est calculé en multipliant l'indice majoré par la valeur du traitement afférent à l'indice 100, et en divisant le résultat par 100. L'indice majoré 100 est qualifié « d'indice de base ». Le Décret n° 2010-761 du 7 juillet 2010 a fixé le montant du traitement annuel brut afférent à l'indice 100 à 5 556,35 €. Pour un non titulaire[8], le montant est librement déterminé par l'administration même si dans les faits, il est régulièrement fixé en référence soit à un indice, soit à une grille indiciaire d'un corps ou d'un cadre d'emploi (ex. grille administrative des attachés territoriaux – catégorie A). Enfin, comme dans le privé où il existe un salaire minimum (Smic, fixé à 1 457,52 euros bruts mensuels en 2015), la FP prévoit un traitement minimum pour ses agents (1 486,32 €/mois en 2015), qui correspond au point d'indice multiplié par l'indice majoré 321. Autrement dit, un agent dont l'indice majoré serait inférieur se verrait rémunéré à hauteur de l’IM 321 via le versement d'une indemnité différentielle[9].

Des salaires destinés à l’immobilisme, voire à baisser du fait du gel du point d'indice ?

Pour faire varier le salaire des fonctionnaires, le point d'indice doit donc être revalorisé. C'est d'ailleurs ce qui était fait de manière régulière par les autorités compétentes, afin de suivre le rythme de l'inflation… Enfin, jusqu'en 2010. Suivant les recommandations des magistrats de la Cour des comptes, les gouvernements successifs ont, ces 5 dernières années, « gelé le point d'indice » au motif qu'il est « à court terme, le seul instrument de freinage de la masse salariale des administrations publiques »[10]. Faisant alors mécaniquement perdre du pouvoir d'achat aux agents (les prix augmentent alors que les salaires stagnent). Selon l'INSEE, en tenant compte de la hausse des prix (+0,9 % en 2013), la rémunération nette moyenne a reculé de 0,6 % entre 2013 et 2012[11]. Une baisse des salaires plus prononcée chez les fonctionnaires les mieux payés (catégorie A : attachés, ingénieurs…) (-1,0 % en euros constants).

Reste que les employeurs de la FP (plus de 55 000 rien que pour la Territoriale) ont d'autres marges de manoeuvre dans la rémunération attribuée à leur personnel.

Régime indemnitaire, une question qui divise

En effet, à cette « rémunération brute de l'échelonnement indiciaire » s'ajoute le régime indemnitaire (RI). Il est composé des bonifications indiciaires (NBI) qui servent à valoriser des fonctions comportant une responsabilité, une technicité particulière ou des difficultés d’exercice dans certaines zones du territoire ; des primes et des indemnités, comme par exemple : le RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel[12]), le supplément familial de traitement (SFT) versé à l'agent en fonction du nombre d'enfants à charge, les indemnités liées à la mobilité, de résidence destinée à compenser les différences de coûts de la vie selon la ville d’affectation de l’agent, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS/« heures supplémentaires ») ou encore de sujétions spéciales… Dans son rapport publié en septembre dernier sur la masse salariale des fonctionnaires de l’État[13], la Cour des comptes évoque « plus de 1 500 éléments de paye distincts ». Dans tous les cas, pour être légale, la prime ou l'indemnité à verser doit répondre à un certain nombre de principes et règles, les employeurs n’ont, en effet, pas toute liberté en la matière. Ainsi, en application du principe de légalité, aucun régime indemnitaire ne peut être attribué aux agents, s'il n’a pas été préalablement créé par un texte législatif ou réglementaire. Par ailleurs, selon le principe de parité, le régime fixé pour les agents territoriaux et hospitaliers ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l’État exerçant des fonctions équivalentes.

Cela étant, pour les Sages de la rue Cambon, certains régimes indemnitaires doivent aujourd'hui, être revus. Par exemple, la Cour propose de supprimer progressivement le SFT (2 % du salaire brut en 2013), estimant qu'il « fait double emploi avec la politique familiale », ou encore, de réformer l'indemnité de résidence au motif qu'elle devrait être réservée aux fonctionnaires vivant en Ile-de-France car pour les autres « le zonage est en décalage avec les écarts de coût de la vie ». Selon le rapport, leur part dans la rémunération est « croissante et désormais très significative (…) le taux de primes moyen s’élève à 30 % contre 10 % au début des années 1980 ». Ainsi à la Territoriale, si ce complément de salaire peut être quasi nul (proche de 4 %) dans les communes de moins de 1 000 habitants, il peut représenter plus de 32 % dans les SDIS (services départementaux d'incendie et de secours). Et il varie aussi en fonction des catégories d’agents : pour certains cadres A des grandes administrations, il peut atteindre la moitié de la rémunération (chiffres 2011)[14]. A l’État, le RI représente 20 % du salaire brut en 2013, et recule (- 0,6 % en euros constants) du fait notamment, selon l'INSEE, de l’abrogation à partir du 1er septembre 2012 de la loi de défiscalisation des heures supplémentaires (IHTS).

Des aides pour soutenir les salaires « les plus faibles » : L'exemple de la GIPA

La GIPA, indemnité créée en 2008 pour faire face à l'inflation et compenser la baisse des salaires les moins rémunérés, aurait profité à 130 000 agents.
Une de ces indemnités fait particulièrement l'objet de l'attention des pouvoirs publics : la GIPA ou Garantie individuelle du pouvoir d'achat. Instaurée en 2008[15], dans les trois versants de la fonction publique, la GIPA permet à l'agent - si l'évolution sur 4 ans de son traitement indiciaire brut (TIB) est inférieure à l'indice des prix à la consommation (IPC hors tabac en moyenne annuelle) - de bénéficier d'une indemnité à la 5e année. Un premier bilan estimatif indiquait que 130 000 agents avaient bénéficié du dispositif en 2008 pour un montant moyen de 740 euros bruts. Le rapport de la Cour préconise, pour réduire son coût, d’inclure le traitement et la rémunération globale (primes et indemnités récurrentes comprises) dans la comparaison avec l'augmentation des prix. En attendant, elle est maintenue en 2015[16] et continue d'offrir aux agents, dont les salaires sont les plus faibles, une sorte de filet de sécurité.

 

Des solutions pour maintenir l'attractivité de la Fonction publique…

D'ici à 2020, afin d'améliorer les carrières, le gouvernement entend revoir toutes les grilles indiciaires de rémunération.
 

Au final, les mesures et « coups de pouces » successifs pris ces 15 dernières années aboutissent à un « tassement » des grilles indiciaires des corps et cadres d'emploi dans les 3 catégories (A, B, C) et de l'écart entre le début et la fin de carrière. Un phénomène qui accentue le sentiment pour les agents d'être déclassés[17] et que dénoncent les syndicats. En 2011, un agent de catégorie A était, selon eux, « recruté à 18 % au-dessus du Smic contre 75 % en 1985 »[18]. Mais au-delà des enjeux corporatistes, la fonction publique est confrontée à un double problème. Il y a d’abord son attractivité, qui est de moins en moins forte pour les postes de catégorie A (enseignants, médecins, infirmiers, ingénieurs…) si bien que l’administration peine à recruter certains profils[19]. Il y a ensuite, le déroulé de carrière des fonctionnaires : si les rémunérations sont faibles au début, elles augmentent rapidement avant de plafonner jusqu’à la fin de la carrière. Un modèle qui peut poser problème en matière de gestion des effectifs et de leur motivation.

Pour faire face à ces difficultés, en 2014, une série de textes[20] est venue modifier la carrière des fonctionnaires de catégorie C (soit 47 % des agents), via la revalorisation de leur grille indiciaire. Des mesures qui se poursuivent cette année mais qui ont pour effet d'entraîner un chevauchement avec les rémunérations les plus basses de la catégorie B, conduisant le gouvernement à augmenter simultanément ces dernières. Le 16 juin dernier, la ministre de la fonction publique, Marylise Lebranchu, a présenté aux syndicats une proposition de solution plus globale, dans le cadre du projet d’accord[21] relatif aux « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). Idée avancée : refondre les grilles de rémunération de l'ensemble des fonctionnaires pour distinguer davantage les niveaux de qualification requis du personnel et renforcer dans la durée, l’attractivité des carrières. Si les syndicats sont majoritairement d'accord[22], les grilles indiciaires de rémunération des corps/cadres d’emplois des catégories A, B et C seront restructurées entre 2016 et 2020 comme suit :

  • s'agissant de la catégorie C, le nombre de ces grades sera réduit à trois (contre 4 aujourd'hui) afin de favoriser l’accès de ces fonctionnaires au sommet de leur corps ou cadre d’emplois ;
  •  pour la catégorie B, le nombre de grades et de corps restera inchangé mais les nouvelles carrières débuteront à l’indice brut 372 et culmineront à l’IB 707. La revalorisation interviendra en trois étapes entre 2016 et 2018. Les fonctionnaires de la filière sociale (200 000 agents concernés) bénéficieront d’une revalorisation à partir de 2018 en reconnaissance de leur diplôme au niveau de licence et du niveau des missions exercées ;
  •  enfin, s'agissant de la catégorie A, la structure des deux premiers grades du cadre d’emplois d’attaché sera modifiée (suppression d’un échelon) et s’accompagnera d’une revalorisation indiciaire.

Selon la Ministre, à partir de 2017, les agents débutants bénéficieraient de 30 à 70 euros bruts supplémentaires par mois : un professeur en début de carrière touchera ainsi 74 euros bruts par mois supplémentaires, un(e) assistant(e) social(e) 40 euros, ou un agent de propreté 31 euros. A l'autre extrémité de la pyramide, en 2020, les mêmes catégories de fonctionnaires gagneraient jusqu'à plus de 130 euros bruts supplémentaires par mois : 32 euros pour les catégories C, 88 euros pour les catégories B, 134 euros pour les catégories A. Face à ces augmentations, une contrepartie est opposée : l'allongement de la carrière. Autrement dit, il faudra plus de temps à un agent pour qu'il atteigne son plus haut niveau de rémunération : de 30 à 35 ans au lieu de 18 à 25 ans actuellement. Un choix que le gouvernement veut « plus juste » que le dégel du point d'indice mais, qui pourrait coûter jusqu'à 4,5 voire 5 milliards d'euros par an d'ici à l'horizon 2020, selon la Cour des comptes.

...Dans le cadre d'une politique de gestion des carrières plus dynamique ?

Inquiète de l’augmentation continue de la masse salariale, la Cour des comptes souhaite des réformes pour moderniser la GRH des fonctionnaires

Pas convaincus que les mesures d'économies annoncées par le gouvernement, pour financer ces nouvelles grilles indiciaires, seront suffisantes, les Sages dans leur rapport du mois de septembre, préfèrent proposer à l’État une « boîte à outils » pour maîtriser la dépense publique. Principal enjeu de la Cour des comptes sur la masse : « identifier les moyens de la financer de façon dynamique, tout en respectant les objectifs de maîtrise de la dépense publique que le gouvernement et le Parlement ont fixés ». En plus des pistes traditionnellement évoquées, comme le non-remplacement de certains agents, la poursuite du gel du point d’indice ou le ralentissement des progressions automatiques de carrière, le rapport propose d'autres leviers d'économies qui ciblent particulièrement la progression individuelle des carrières d’agents. Par exemple, la Cour propose de rendre plus fréquents les examens professionnels pour certaines promotions, et plus sélectifs l’attribution des réductions d’ancienneté et l’avancement à l’ancienneté minimale, notamment en amendant les règles de celles-ci, « encore largement automatiques », par une limitation des taux de « promu-promouvables », et en réservant le bénéfice de l’avancement à l’ancienneté minimale aux agents qui obtiennent les meilleurs résultats. Des propositions qui s'avèrent être au final une invitation faite à l’État à revoir sa politique de gestion des ressources humaines. À charge pour le Gouvernement de l'utiliser comme il l'entend, mais qui fera sûrement l'objet de discussions lors du prochain rendez-vous salarial annuel prévu, avec l’ensemble des organisations syndicales (au printemps 2016).

Sandrine BOTTEAU

 

 

 

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