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Travailler comme « intérimaire » dans la fonction publique ? eh oui, c'est possible !

février 2011

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Depuis 2009 , le législateur a étendu à toutes les fonctions publiques (État, territoriale, hospitalière) une pratique qui existait déjà dans les hôpitaux : le recours (sous conditions, certes) aux entreprises de travail temporaire (agences d'intérim) pour effectuer des missions de service public. En donnant une base juridique à la possibilité de faire appel à des intérimaires, la loi apporte plus de souplesse dans la gestion des ressources humaines du secteur public mais surtout pose une nouvelle pierre à ce qui constituera la fonction publique de demain, où le recrutement par contrat sera banalisé . Côté salariés, recrutés par contrat pour une durée déterminée, ils bénéficient d'un statut, de la même protection que les fonctionnaires et sont soumis aux obligations s'imposant à tout agent public, aux règles d'organisation ainsi que de fonctionnement du service.  

Phrases - Clés :

Depuis août 2009, le recours à des intérimaires dans le secteur public n'est plus réservé aux situations d'extrême urgence.  

Les débuts sont timides dans la FPT, le recours à l'intérim coûtant généralement plus cher que de s'adresser aux centres de gestion, mais dans la fonction publique hospitalière, les dépenses pour des postes d'infirmiers, d'aides-soignants ou de sages-femmes intérimaires ne cessent d'accroître[1].  

À l'issue de la mission, la personne publique peut, dans le respect du statut général, engager par contrat, le salarié intérimaire.   

Intérim et missions de service public, comment est-ce possible ?

L'un des principes régissant la fonction publique pose que l'exécution du service public administratif est confiée à des agents publics. Aussi, l'administration (État, collectivités territoriales et établissements publics administratifs ou hospitaliers) se doit d'abord, d'embaucher des agents publics dans les conditions prévues par la réglementation (recrutement selon les règles statutaires[2] par la voie du concours sur des emplois permanents...).  

Par ailleurs, elle doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la continuité du service public, notamment en cas d'interruption due à la grève des agents de ce service. Jusqu'alors, elle disposait (seulement) de la possibilité d'embaucher un personnel d'appoint pour une durée limitée : des agents non titulaires souvent appelés « contractuels » par opposition aux « fonctionnaires ». C'est ainsi que dans la FPT, par exemple, pour les collectivités importantes, la présence d'équipes de remplaçants titulaires ou, pour les autres, le recours aux centres de gestion s'est développé.  

En revanche, le recours à l'intérim n'était permis que par une jurisprudence relativement ancienne en cas de « circonstances exceptionnelles, telles qu'une extrême urgence, qui rendent impossible le recrutement d'agents ayant un lien direct avec l'administration [...]. Ces agents sont alors fournis par un entrepreneur de travail temporaire »[3].  

L'article 21 de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels a modifié le statut et le Code du travail[4] pour autoriser l'administration dans certains cas à faire appel à une agence d'intérim. L'enjeu est ici la continuité du service public et sa réactivité :

  • aider le fonctionnaire en place en cas de surcharge subite de travail parce que son collègue indisponible ne peut pas être remplacé ;
  • ou encore traiter la demande de l'usager sans retard ou lorsqu'aucun outil ne permet de remplacer le fonctionnaire qui aurait dû s'en charger...  

Toutefois, en « privatisant » partiellement le droit de la fonction publique pour permettre aux administrations d'utiliser un instrument reconnu pour sa commodité par les directeurs de ressources humaines du secteur privé, il fallait veiller à ce que le recours à l'intérim n'organise pas, en fait, la précarité des salariés (alors que la fonction publique compte déjà de nombreux contractuels[5] placés dans une situation fragile). Aussi, le législateur a admis son recours moyennant un encadrement de son emploi. 

Le recours à l'intérim, un outil de gestion des ressources humaines encadré et exceptionnel

Pour le gouvernement[6], et malgré le coût que peut supposer le recours à l'intérim, « cette solution peut représenter un gain en souplesse de gestion ». En effet, « dans la mesure où la personne publique ne recrute pas directement, elle n'a pas à sa charge les actes de gestion des ressources humaines afférents (tenue du dossier individuel, mise en ½uvre de la paie, versement des cotisations sociales, gestion de la fin de contrat, etc.). »  

Mais qu'on ne s'y trompe pas : le principe reste l'interdiction du recours à l'intérim ! D'usage ponctuel le recours à l'intérim ne peut pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale de l'administration. Les cas de recours à des travailleurs intérimaires sont donc limitativement énumérés par la loi :

  1. Remplacement momentané d'un agent qu'il soit titulaire ou non-titulaire en raison d'un congé de maladie, de maternité, d'un congé parental, d'un passage provisoire en temps partiel, ou encore de sa participation à des activités particulières (réserve opérationnelle, sanitaire, civile ou autre, accomplissement du service civil ou national, etc.) ;
  2. Vacance temporaire d'emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions statutaires ;
  3. Accroissement temporaire d'activité (dû à une catastrophe naturelle, une manifestation, par exemple) ;
  4. Besoin occasionnel ou saisonnier (ex. afflux de touristes en période estivale ou pour les besoins d'organisation d'élections). Par ailleurs, la durée du contrat de mission, y compris la période de renouvellement, est limitée à dix-huit mois selon les cas (cf. tableau ci-joint). Elle est portée à vingt-quatre mois lorsque la mission est exécutée à l'étranger.  

S'agissant des missions ou activités pour lesquelles il peut être recouru à l'intérim, la loi ne fixe pas d'exclusion. Fonctions supports, administratives, financières ou techniques, tous les postes et catégories (A, B, C)[7] sont potentiellement concernés. Pour aider les administrations à s'y retrouver, une circulaire du 3 août 2010[8] précise le cadre légal du recours à l'intérim et rappelle qu'il conviendra d'examiner au cas par cas les fonctions à pourvoir temporairement.  

En outre, selon la circulaire, l'administration ne peut pas recourir à l'intérim :

  • pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, lié à des suppressions de postes, dans les six mois suivant ces suppressions ;
  • pour faire exercer des missions par des intérimaires dont l'exercice exige une qualité ou une habilitation particulière (prestation de serment, agrément) ou contenant des « prérogatives de puissance publique » (police, justice...) ;
  • pour pourvoir au remplacement d'un médecin du travail, d'agent gréviste...  

Enfin, dans la FPT, l'administration territoriale doit d'abord contacter l'établissement chargé d'assurer pour elle certaines missions en recrutement (concours, emploi...) correspondant à son secteur géographique : le centre de gestion départemental. Si celui-ci ne peut proposer de candidats, le recours à l'intérim est alors possible.  

Employer du personnel en intérim, mode d'emploi

Une agence d'intérim a pour activité exclusive de « mettre à la disposition provisoire des entreprises et administrations utilisatrices des salariés qu'elle embauche et rémunère à cet effet »[9]. Le recours à une agence d'intérim est donc « une prestation de service » et non un « recrutement de personnel » au sens juridique du terme. Aussi, pour choisir l'entreprise avec laquelle l'administration va travailler, l'administration doit nécessairement faire application des règles du Code des marchés publics : définition précise de ses besoins et de la planification de ces derniers, appel à candidatures, consultation, mise en concurrence des agences, passation d'un marché (contrat à titre onéreux)...  

Pour chaque demande de recrutement d'un salarié intérimaire, l'administration doit ensuite, conclure avec l'agence retenue (titulaire du marché) un contrat de mise à disposition. Il doit être signé dans les 48 heures suivant le début de la mission. Le contrat de mise à disposition doit notamment indiquer :

  • le motif pour lequel il est fait appel au travailleur temporaire ;
  • Le début et le terme de la mission et leurs modalités d'aménagement (article L.1251-30 du Code du travail) ;
  • les caractéristiques du poste à pourvoir (nature du poste, son environnement, risques éventuels pour la santé et la sécurité du salarié...), le lieu de la mission, les horaires de travail, la nature des équipements de protection individuelle que doit utiliser, le cas échéant, l'intérimaire ;
  • le montant de la rémunération avec ses différentes composantes ;
  • la qualification professionnelle exigée. Les salariés intérimaires recrutés doivent remplir les mêmes conditions de diplômes, titres ou qualifications que celles requises pour les agents publics.  

À noter enfin, d'une part, que le contrat de mise à disposition peut être suspendu en cas de maladie, maternité, accident du travail du salarié ou rompu avant son terme dans certaines situations : au cours de la période d'essai (non obligatoire), en cas de faute grave du salarié intérimaire ou de force majeure. En cas de rupture anticipée du contrat par l'administration, pour des motifs autres que la faute grave ou la force majeure, l'entreprise de travail temporaire peut lui réclamer le paiement de l'intégralité de ses prestations.  

D'autre part, en application des règles du droit du travail, sur un même poste, la personne publique doit en principe, respecter un « délai de carence » avant de passer un nouveau contrat pour pourvoir un même poste de travail (exemple : pour un contrat de trois mois, le délai de carence est égal au tiers de la durée totale de ce contrat soit un mois). Exception : en cas de travaux urgents de sécurité, d'emplois saisonniers, de rupture anticipée ou de refus de renouvellement du contrat par le salarié intérimaire, aucun délai de carence n'est requis.  .  

Intérimaire dans la fonction publique, quel statut ?

S'agissant du salarié intérimaire, ce dernier doit bénéficier d'un contrat de mission signé avec l'agence d'intérim reprenant les mentions figurant dans le contrat de mise à disposition (cf. supra). L'intérimaire est rémunéré par l'agence (avec versement d'une indemnité de fin de mission en contrepartie de la « précarité » de l'emploi). Même s'il est salarié de l'agence et non de la personne publique, ses droits (droit de grève, droit à la protection fonctionnelle en cas de menaces, violences dans l'exercice de ses fonctions...) et obligations (obligation d'assurer ses fonctions, respect du principe de continuité du service public, exercice exclusif des fonctions, obligation de désintéressement, obligation de discrétion professionnelle) sont identiques à ceux des agents publics[10]. Il exécute sa mission sous l'autorité et le contrôle du chef de service.  

Côté conditions de travail : l'ensemble des règles d'exécution du travail de l'administration utilisatrice lui est applicable (durée de travail, travail de nuit, repos hebdomadaire et jours fériés, hygiène et sécurité, etc.). En contrepartie, il bénéficie des mêmes avantages collectifs que les agents publics : service de transport, accès au restaurant administratif, douches, vestiaires, crèches, etc.  

En revanche :

  • son droit à la formation, stage de formation prévu par le plan de formation de l'entreprise de travail temporaire, congé individuel de formation (CIF) ou droit individuel à la formation (DIF) s'exerce dans le cadre de l'agence qui l'emploie. À noter que l'intérimaire peut cependant bénéficier d'actions de formation au sein de l'administration, notamment lorsque le poste exige une compétence technique particulière ;
  • la surveillance médicale est à la charge de l'entreprise de travail temporaire sauf lorsque l'activité exercée nécessite une surveillance médicale renforcée, du fait des risques particuliers qu'elle présente pour l'intérimaire ;
  • l'exercice de son droit de représentation (vote aux élections professionnelles) et de ses droits syndicaux s'effectue dans l'entreprise de travail temporaire dans le respect du Code du travail.  

Enfin, il faut noter que le Code du travail prévoit que si l'administration continue à employer un salarié d'une entreprise de travail temporaire après la fin de sa mission « sans avoir conclu avec lui un contrat ou sans nouveau contrat de mise à disposition », ce salarié est réputé « lié à l'utilisateur » par un contrat à durée déterminée de trois ans.  

En cas de conflit, comme il s'agit de répondre aux besoins des personnes publiques, les litiges relatifs à une mission d'intérim opposant le salarié et l'administration utilisatrice sont portés devant le juge administratif.  

À ce stade, « facteur de précarisation » (CFDT), « attaque frontale contre le statut » (CGT) pour certains, la mise en place du droit du travail temporaire dans la fonction publique illustre une fois encore la volonté de réformer et d'externaliser de plus en plus de missions de service public[11]. Pour les administrations, l'intérim peut cependant être regardé comme un moyen supplémentaire de pourvoir rapidement à un poste pour un remplacement urgent, dont le profil est en pénurie... et pour les actifs, il offre de réelles opportunités en terme d'emploi : à des postes de catégorie C (exemples : agents d'entretien, animateurs pour les centres de loisirs, auxiliaires de puériculture) en collectivités territoriales notamment, mais aussi de catégorie B comme des conducteurs de travaux ou des techniciens du bâtiment[12]. Donc, utiliser l'intérim ? Pourquoi pas mais avec modération...  

  Sandrine BOTTEAU  

Pour aller plus loin :

Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la FPE (article 3 bis). Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la FPT (article 3-2). Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la FPH (article 9-3). Code du travail, articles à consulter : L.1251-9, L.1251-60 à L.1251-63. Circulaire du 3 août 2010 relative aux modalités de recours à l'intérim dans la fonction publique    

Catégories A, B, C... définitions :

Les postes de catégorie A correspondent à des fonctions de direction et d'encadrement. Pour y accéder, il faut généralement être titulaire au minimum d'un diplôme de niveau licence.  

La catégorie B regroupe les postes de rédaction et d'application et est ouverte aux titulaires du baccalauréat (ou équivalence) ou parfois d'un diplôme professionnel.  

La catégorie C concerne les fonctionnaires chargés des tâches d'exécution ; l'accès n'est conditionné par aucun diplôme mais le brevet des collèges ou équivalent est toutefois requis dans certains cas.

[1] Source AP-HP et ministère de la Santé.

[2] Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ; loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière

[3] CE, Ass., 18 janvier 1980, Syndicat CFDT des postes et télécommunications du Haut-Rhin, n° 07636.

[4] Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la FPE (article 3 bis) ; loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la FPT (article 3-2) ; loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la FPH (article 9-3) ;  articles L.1251-9, L.1251-60 à L.1251-63 du Code du travail.

[5] 841 709 en 2007 soit 16 % de l'emploi public - source : www.emploipublic.fr

[6] Circulaire du 3 août 2010 relative aux modalités de recours à l'intérim dans la fonction publique.

[7] Voir § « Catégorie A, B, C...Définition ».

[8] Circulaire du 3 août 2010 relative aux modalités de recours à l'intérim dans la fonction publique

[9] Idem.

[10] Article L.1251-61 du Code du travail.

[11] Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique remis le 17 avril 2008.

[12] Source : Randstad - Baromètre RH des collectivités locales 2010 publié par Randstad.

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